« C’est pas juste ! » Un spectacle théâtral sur la lutte contre les inégalités faites aux femmes, vu par les 3e C
Une construction vivante et inattendue.
Dès notre entrée dans la salle, nous avons été accueillis par un comédien muni d’un mégaphone, qui parlait fort, l’air énervé, qui nous plaçait en répétant : « Le temps, c’est de l’argent et nous n’en avons pas ! » Nous avons vite compris que le spectacle avait commencé.
Dans cette pièce, les spectateurs sont considérés comme les figurants embauchés pour le tournage d’un film documentaire sur les grandes figures du féminisme. Cette partie, jouée pour l’essentiel dans la salle, met en scène les trois comédiens- deux femmes, Axelle et Céline- et un homme, Olivier, qui interagissent souvent avec le public, de manière différente selon les scènes censées être tournées et changent de rôle au fil du temps: l’un joue le régisseur, avec son mégaphone, l’autre, le réalisateur ou la réalisatrice, avec des lunettes de soleil et le dernier, l’ingénieur de son avec son casque ; il y a aussi le clapman qui déclenche le tournage des séquences du film, sur la scène du foyer.
Dans cette partie du spectacle, chaque acteur se costume alors sur une partie de la scène qui représente les loges pour endosser son rôle, tandis que le reste du plateau devient le décor de la séquence tournée.
Un hommage aux grandes figures du féminisme dans l’Histoire et partout.
Le film documentaire dont on suit le prétendu tournage met en scène des personnages de l’histoire mondiale qui ont en commun d’avoir lutté contre les inégalités faites aux femmes et pour leurs droits, d’où le titre : « C’est pas juste ! ». Sans chronologie – parce que le film doit ensuite être monté…- on voit Olympe de Gouges, décapitée à la Révolution française pour ses idées trop progressistes, Rosa Parks, figure du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, Hubertine Auclert, « suffragette » française qui a lutté pour le droit de vote des femmes bien avant la loi qui l’autorise, Victor Hugo, grand homme de lettres et homme politique français du XIXe siècle, Indiana, personnage d’un roman de George Sand, autrice du XIXe siècle qui a pris un pseudonyme masculin pour pouvoir écrire et publier, mais aussi Malala Yousafzai, jeune Pakistanaise née en 1997 condamnée à mort par les talibans, qui s’est battue dès l’âge de neuf ans pour le droit des filles à l’instruction.
Chaque personnage est mis en scène de différentes manières qui amènent ou non le public à interagir.
Dans la première scène, Olympe de Gouges incarnée par Axelle arrive chez son amant : il est heureux de la retrouver mais elle ne pense qu’à une chose : elle est très en colère car on l’a refusée à l’Assemblée parce qu’elle est une femme. Lui veut lui faire plaisir mais réagit toujours à contretemps …
Une musique conclut la scène, les comédiens quittent leur costume et retrouvent leur rôle dans le tournage du film, c’est l’occasion pour eux de se parler, comme dans la vie, de montrer les inégalités qui persistent entre les hommes et les femmes : on voit une scène de harcèlement sexuel avec la réalisatrice qui touche les seins de la comédienne, on entend le régisseur qui s’étonne qu’une femme puisse être ingénieur du son, l’une raconte aux deux autres l’histoire de Malala, devenue Prix Nobel de la paix pour son combat contre les Talibans…
Avant la deuxième scène, la réalisatrice, autoritaire et tyrannique attend la comédienne qui doit jouer Rosa Parks : le régisseur est fébrile : il téléphone à la responsable du casting qui avoue ne pas avoir trouvé d’actrice noire pour le rôle. Colère et menaces de la réalisatrice qui accepte finalement de préparer la scène avec des « silhouettes » : des figurants qui vont permettre de régler les lumières en l’absence de la « star ». Trois élèves sont choisis pour monter sur scène et incarner les passagers du bus dans lequel montre Rosa Parks le jour où elle refuse de céder sa place comme la loi le prévoit à un passager blanc. Olivier raconte l’histoire. Le bus est symbolisé par une plaque blanche posée à l’horizontale sur laquelle est projetée l’image d’une carrosserie de bus.
Dans la troisième scène, la plaque blanche devient une tribune : Céline incarne Hubertine Auclert dans son discours au congrès du Parti socialiste. Les spectateurs ont été partagés en deux camps : lorsque le régisseur montre la pancarte « applaudir », une moitié de la salle joue le public du congrès qui encourage l’oratrice tandis que lorsqu’il montre la pancarte « huer », l’autre moitié crie contre ses arguments. Quatre spectateurs se sont portés volontaires pour crier des phrases qui leur étaient données : deux filles qui dénoncent le sexisme : « La femme n’est pas une marchandise » et deux garçons qui le justifient : « La science de la femme est le ménage » Si au moment où Olivier distribue les rôles, chacun se demande un peu quel va être le résultat, la scène devient particulièrement vivante et prend tout son sens, grâce aux spectateurs figurants.
On voit ensuite une scène où Victor Hugo relit, chez lui, un discours qu’il prépare pour l’Assemblée Nationale où il écrit sa phrase célèbre : « Même au point de vue de notre égoïsme, il est difficile de composer le bonheur de l’homme avec la souffrance de la femme. » Pendant qu’il relit, on entend une musique jouée au piano, puis au synthétiseur. Hugo reproche à sa fille Adèle de l’empêcher de se concentrer : il le fait avec douceur et la musique revient, toujours plus forte : c’est la musique qui terminera le spectacle.
La dernière scène est celle où Indiana, personnage de George Sand retrouve son mari après avoir passé la nuit hors de son domicile : il la malmène, lève la main sur elle et elle lui explique qu’il n’a aucun pouvoir sur ses pensées s’il en a sur sa vie.
Le final se fait en musique avec un slam des trois comédiens pendant que défilent sur la plaque blanche devenue écran les noms et les visages des grandes figures du féminisme au fil des époques.
Ce qu’on en a pensé :
« J’ai trouvé le spectacle très intéressant ; j’ai apprécié le ton et l’humour. J’ai bien aimé l’idée des accessoires pour faire reconnaître les personnages, par exemple, la réalisatrice stricte et autoritaire ; et également le fait qu’on puisse interagir avec les acteurs en tant que figurants. »
« J’ai bien aimé la scène sur Victor Hugo : il y avait une musique incroyable. Je pense qu’ils ont bien fait de choisir cette bande son car la plupart des adolescents aiment la musique donc à mon avis, ils sont plus attentifs. »
« J’ai beaucoup aimé ce spectacle. Je trouve le projet vraiment intéressant parce qu’il est basé sur un sujet aussi important et intéressant que le féminisme. Certains pensent que les discriminations envers les femmes n’existent plus car nous vivons en France mais si on essaye de chercher plus loin, on peut voir que ce n’est pas du tout le cas. Par exemple en Afghanistan, les femmes souffrent énormément. »
« J’ai bien aimé les scènes où on pouvait interagir, mais je trouve que dans ce spectacle, on voit surtout des femmes esclaves qui veulent être les égales des hommes ; aujourd’hui, ce n’est plus comme ça. »
« J’ai bien aimé les scènes très réalistes et drôles. Ce que j’ai préféré, c’est le moment où les acteurs font participer les figurants. L’objectif du spectacle est de nous faire réfléchir sur les inégalités entre les hommes et les femmes. »
« Personnellement, j’ai aimé la mise en scène : au début, on a cru qu’on était dans la vraie vie. Mais je n’ai pas tellement aimé la façon dont les femmes parlent des hommes. »
« J’ai trouvé le concept du tournage du film super mais la thématique reste toujours la même : on parle éternellement des Droits des femmes ! »
« J’ai aimé le passage sur Victor Hugo car le comédien s’est bien mis dans la peau du célèbre écrivain et aussi car il est le seul homme qui parle de féminisme. En revanche, je n’ai pas aimé le passage d’Indiana : le couple se dispute car elle a passé la nuit en dehors de chez elle. L’homme présente des idées plutôt radicales ; il va jusqu’à pousser sa femme. J’ai trouvé que ce passage généralise les hommes de ce type, comme si les hommes étaient tous pareils. »
« Je n’ai pas aimé la scène avec Olympe de Gouges : elle se plaint à son amant alors qu’il n’est pas responsable de ce qu’elle vit ; ce n’est pas lui qui crée les lois. La situation est mal choisie. »
« J’ai bien aimé le spectacle mais je ne comprends pas l’intérêt de faire jouer à la fille de Victor Hugo une musique qui n’est pas en accord avec l’époque. »
« J’ai trouvé cette pièce très instructive et j’ai particulièrement aimé les moments où nous pouvions participer : ma scène préférée est celle avec Hubertine Auclert. J’ai été surprise par le peu de matériel qu’ils utilisent : ils réussissent à ce que nous comprenions tout ! J’ai regretté parfois qu’ils surjouent un peu. »