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Alors qu’on s’attend aux trois coups et à un lever de rideau pour signaler le début du spectacle, on découvre Anissa, déjà en place à notre entrée : elle se trouve dans une cuisine et les lumières restent allumées. Elle s’adresse immédiatement au public comme s’il n’y avait pas de distance entre la scène et la salle.

« Au non du père », une pièce qui déroge apparemment aux règles du théâtre comme à celles de l’orthographe, et pourtant...

C’est de son histoire qu’il s’agit, non pas de celle d’un personnage dont la vie aurait été écrite, mais de sa propre vie, de femme qui n’est pas comédienne et qui pourtant joue devant nous.

Lorsque son père a appris que sa compagne attendait un enfant, il a dit non, il a quitté la mère et la petite fille qui allait naître. Anissa a grandi dans le manque de ce père qu’elle croit un jour reconnaître dans une émission de télévision : il vivrait aux Etats-Unis, y serait boulanger ; d’où peut-être cet amour d’Anissa pour la pâtisserie ?

 Ahmed Madani, avec qui Anissa travaille à une pièce sur les femmes, entend cette histoire et pousse la jeune femme à aller au bout de sa quête. Malgré la réaction négative du père contacté par téléphone, Ahmed et Anissa partent rencontrer le boulanger émigré.

Anissa raconte : son enfance en banlieue, les difficultés financières, son premier contact avec le théâtre, sa mère, l’émission où elle croit reconnaître son père... Elle livre ses confidences comme elle parlerait à un ami, dans sa cuisine, tout en préparant des chouchous et des fondants au chocolat, dont le parfum emplit peu à peu la salle. Ici, ce ne sont plus les chandelles qui en fondant, déterminent la durée d’un acte mais le temps de cuisson des recettes qu’Anissa prépare pour les spectateurs ;

Ahmed, lui, s’occupe du son et envoient sur un écran des images tournées au fil de leur voyage. Il interragit avec le public comme Anissa.

Celle-ci change volontiers de registre, fait alterner des moments poétiques avec un langage très familier lorsqu’elle interpelle les spectateurs, leur demande d’évoquer un souvenir avec leur père, ce qu’ils pensent de son histoire... Elle va jusqu’à se montrer presque agressive : « Wesh... T’es en téléchargement »lance-t-elle à celui qui ne réagit pas assez vite à son goût. Quant à Ahmed, il menace d’interrompre le spectacle lorsqu’il découvre que les enseignantes ont fait travailler les élèves sur la pièce avant de les y amener...

Colère réelle ou feinte ? Réalité ou théâtre ? Laissons la réponse à l’auteur lui-même : « Ben oui Anissa dès qu’on monte sur une scène

on devient un personnage de théâtre » lui dit-il dès le début de la pièce.

         Alors, l’histoire qui nous est racontée est-elle vraie ? Finalement, là n’est pas la question : tout au long du spectacle, on a vécu des émotions multiples,  tour à tour amusés, émus par le récit, inquiets de savoir si on devrait parler ... Et puis on s’est régalés avec les confiseries dont Anissa a distribué la recette comme avec cette pièce de théâtre !

                                                                                     La classe de 3eE